Le mot Crise appelle la méfiance. Court, simple d’emploi, donc, passe-partout, il se déstructure parce qu’employé beaucoup plus que de raison. Pourquoi cette remarque ?
Vous l’aurez compris, elle est liée au Risque Majeur. Pourquoi, dans ce domaine très particulier, entend-on parler ou parle-t-on de situation de crise, de cellule de crise, de déclenchement de crise etc. comme on parle de crise – et, là, à juste titre – dans l’abord de maladies (crise de la vache folle), d’état physique (crise de nerfs), de réaction psychique (crise de délire), d’évolution de vie (crise de l’adolescence), de positionnement social (crise de l’emploi), de période économique (crise financière) ou encore, au cours d’une réflexion spirituelle, intellectuelle, culturelle ?
Il est vrai que le Risque peut passer d’un état à un autre. Cela signifie qu’il se réalise : il se constitue, il apparaît. C’est ce que l’on doit appeler la Réalisation du Risque. Quel est le rapport entre le Risque et une crise ? Il est dans la relation de la cause à l’effet. Le Risque – la cause – peut déclencher – l’effet – une crise. Mais, il le fait indirectement : la cause va entamer un processus qui, au fil de son évolution, va enfanter l’effet. Le Risque n’est pas la crise. C’est pourquoi, ramener trop souvent le terme de crise au Risque ou l’insérer dedans, apparaît comme étant une erreur. Après sa Réalisation, il peut-être à la source du déclenchement d’une crise, mais il n’en est pas le contenu.
A titre d’exemple, le volcan n’entre pas en crise. Le volcan crée un phénomène – l’éruption – qui peut-être à la l’origine d’une crise. Il est dévastateur, tueur au travers de l’éruption. Il n’est pas le géniteur de la crise qui, d’ailleurs, elle, n’aura certainement rien à voir avec le volcan, puisqu’elle sera d’un tout autre ordre. C’est à dire, qu’à terme elle sera susceptible d’engendrer une situation annexe, qui ne sera que l’aboutissement d’événements mis bout à bout pour, au final, former un ensemble qui constituera la crise. Et la crise sera sociétale, économique, inéluctablement humaine, mais elle ne sera pas « volcanique ». Alors, parler de crise en adéquation au Risque, c’est fausser notre rapport au Risque. Lui, ne peut que créer sa propre Réalisation : de possible (virtuel), il devient actif (concret). Ce sont ses conséquences qui – ce n’est pas systématique – vont amener la possible crise.
Les mots sont une force. Leur laisser leur juste signification est essentiel. Sous prétexte de raccourci pour expliquer une situation, on détourne le mot de son véritable objectif. Il peut devenir source de confusion.
Bernard Sautet
Août 2012