Vous vous rendez compte de ce que supportent nos soignants, en ce moment ?
Ils sont en sur-régime ou hyper-actifs, si vous préférez, stressés, émus, excités ou calmes. Concentrés. Dans l’action, le professionnalisme…
Parfois, ils ne savent plus où ils habitent, tant la pression est là, énorme, continue. Entre deux gestes de soins, réalisés de façon très appliquée, ils espèrent décompresser. Mais, un temps mise de côté, la réalité du moment les rattrape : une anxiété diffuse sur les conditions dans lesquelles, ils travaillent. La peur et l’impuissance. La peur pour ces patients dont l’état, il y a deux ou trois heures, semblait stabilisé et qui, d’un coup, plongent vers l’infini. La peur pour eux-mêmes, confrontés au sous-équipement qui reste leur quotidien. Ce manque d’auto-protection tant dénoncé, décrié, auquel le Gouvernement, tente, le mieux qu’il peut maintenant, de répondre par tout moyen à sa disposition. Puis l’impuissance, inexorable, devant l’ampleur de ce monstre qu’est le Covid-19, lui qui balaie tout sur son passage. Destructeur insatiable, tueur froid, qui, méticuleusement, choisit celles et ceux qu’il conduira à la mort, aujourd’hui. L’impuissance, devant le manque de temps de récupération, devant le sommeil qui fuit, au moment choisi, devant le « pas le temps » de réfléchir, de se poser, de se nourrir correctement, de se lâcher…
Et c’est d’autant plus dur pour eux, qu’ils savent et veulent donner aux autres, à leurs patients…
Le malade, lorsqu’il est à l’hôpital, s’en remet à l’équipe soignante. Il est passé du généraliste au « système » hospitalier qui a ses propres codes, ses process, son expérience. Sans omettre son humanité, il est bon de le rappeler. Mais, dans le cas qui nous occupe, il sait – le malade – que si, les valeurs que nous venons de citer constituent un accompagnateur privilégié pour lui, le questionnement sans réponse est tout aussi présent auprès du personnel soignant, alors qu’habituellement, il occupe une place que je qualifierai de modeste.
Les médecins le rencontrent, face à d’autres maladies, tout de même !
À ce point, je ne pense pas. Nous sommes, avec ce Coronavirus, devant l’inimaginé.
Nous l’étions et, malgré les grandes et belles avancées, le sommes encore trop souvent, devant les cancers, le sida, sans oublier les 6 000 à 8 000 maladies rares dont, 3 000 000 de personnes, d’enfants surtout, souffrent en France…
Vous faîtes bien de le signaler. Toutefois, sincèrement, ne croyez-vous pas que la nouveauté, la puissance, le comportement, l’étendue de cette pandémie, ne s’avèrent pas des intervenants suffisants, pour amener les soignants, chacun à leur niveau, à être dans une forme d’expectative ? Or, en attendant de les amener à LA solution, cette expectative les rend tendus, pour ne pas dire anxieux, pour le moins interrogateurs. Ces malades qui, par centaines au quotidien maintenant, rejoignent les hôpitaux, croyez-vous qu’ils ne soient pas conscients de cet état de fait ?
Sans doute, mais ce qu’ils voient d’abord en eux – pardon, si vous trouvez le terme fort – ce sont leurs sauveurs !
Sûrement et heureusement. Simplement, ces sauveurs, sont des femmes et des hommes. Et à ce titre, ils ne peuvent pas tout. Il leur arrive de craquer. En plus, le confinement, vécu dans la solitude pour certains, chez eux, comme vous et moi sommes chez nous, ou dans une chambre d’hôtel pour les déplacés, n’arrange pas les choses. Vous imaginez le grand écart psychique ?
Eux ne se voient pas en sauveur. Par contre, ils ont une foi. Je ne parle pas de la Foi religieuse, c’est trop personnel. Elle est celle de croire en la science. Ils croient dans des études, des recherches, des techniques, des aboutis et, surtout dans des femmes et des hommes qui travaillent. Ils savent qu’avec elles et eux, un jour, ils vont réussir…
Un jour ? Et à quel prix !
Vous êtes un boulet, Gipeurien ! Constamment négatif. Après la guerre, il y a la Paix. On fait les comptes. Ce n’ai jamais beau. Puis, on regarde devant et on repart. Elles et eux aussi. Faîtes-leur confiance…