La peur. Déjà, rien que le mot fait peur…
Elle est celle des uns, mais pas forcément des autres. En réalité, la peur est faite de peurs.
Notre peur, finalement, on sait qu’elle est là et, on l’a vu la semaine dernière, elle tient un rôle de détonateur. Dans une situation donnée, c’est elle qui va appuyer sur l’un des deux boutons : accélération ou blocage.
Justement. Reprenons le thème de l’époque actuelle et de ses violences. Observez déjà ces peuples soumis à une forme ou une autre de dictature : si on explore une foule, au début elle est composée d’individus qui chacun pense d’une façon, d’une autre, d’une troisième etc. Mais, au bout du bout – et, permettez-moi de “griller” les étapes pour gagner du temps – la foule en question ne sera plus une succession d’individus avec une succession de convictions, mais constituera bien UN individu empli d’UNE certitude. Ce qui veut dire, que, par un phénomène d’entraînement, au final, un peuple s’identifiera à son mentor, lui-même charismatique, pragmatique, meneur d’hommes…
Oui, m’enfin, vous oubliez, menteur, pilleur, tricheur…
Tueur !
Euh, je dirais commanditaire…
Oui, bien sûr.
Cela étant, vous faites fort, tout de même Jefékoa…
Mais non ! Voyez le processus : en premier lieu, la peur effectue son travail de sape en chaque individu, en accentuant ou bloquant qui, une réflexion, qui, une conviction, qui, une croyance. En second lieu, au fil du temps un comportement de base, ciselé au contact des autres, va se greffer à des opinions personnelles elles aussi de base, pour évoluer en harmonie et, à terme, s’affirmer. Les points de vue vont petit à petit se rapprocher. Des extrêmes, des minorités vont sortir ou vont être repoussées ou éliminées et ne restera plus alors qu’un bloc compact majoritaire parfaitement constitué, qui donnera un sens aux fondamentaux d’une pensée unique, inscrite dans la droite ligne du despote. Parce que, ne l’oublions pas celui-là, il aura su tirer profit de cette évolution, en sachant se positionner en meneur. Ensuite, de l’action commune, naîtra une décision formelle, puis un mode de gouvernance toujours unanime, suffisamment construit pour mener le pays…
“Mener le pays”, bonne formule ! Difficile de dire gouverner. Car vous avez raison, la peur a fait le travail en déclenchant ses tirs de contrainte, mensonge, pression, allusion, illusion, fake news, voire emprisonnement, assassinat, j’en passe…
Ce que je comprends moins, c’est le modèle de peur ressentie du coté du chef, petit ou grand…
Le plus souvent, ce chef possède un profil de tête brûlée ou d’intellectuel froid, en tout cas de personnalité fascinante ou, tout simplement, sera-t-il le fils préféré du père, lui-même initiateur en son temps, de la dictature en question. Mais, leur point commun, le plus méconnu et sans doute, le plus dangereux pour eux, reste qu’ils ont peur de tout.
C’est que la place est fragile !
Et enviée !
La méfiance, le doute, les habitent, la crainte de l’empoisonnement, de la trahison les obsèdent bien évidemment. Ils ont beau être dominateurs, psychopathes de grand format, ils possèdent cette face qu’ils voudraient, cachée, tant elle les poursuit. C’est, aussi, pour s’y opposer qu’ils contrôlent tout. Sauf que la peur est leur seul maître…
Alors c’est bien ça, la peur mène l’Homme ?