Court préambule : prendre un certain recul (ou un recul certain), s’avère parfois nécessaire. Après une absence «utile», je reprends donc, avec bonheur, cette rubrique Vu d’à côté et le cours de notre relation. Merci pour votre patience. Prêt ? Allons…
J’ai évité de mettre ce papier, sur la toile, hier, 1er du mois. La date aurait pu perturber la réflexion de quelques uns d’entre nous… Vous n’êtes pas obligé de me croire et je ne vous en voudrais pas, mais si je vous dis que le réchauffement climatique est bien présent, il me semble que c’est vrai. Vous le savez, je ne suis pas un scientifique, encore moins un expert et je tiens à rester ce monsieur tout le monde qui écoute, observe, se fait sa propre idée de ce qu’il entend, voit et propose, au final, de partager son analyse.
En l’occurrence, que dit-on, que voit-on ? Ne rigolez pas, c’est sérieux. Depuis une quarantaine d’années, les poissons, en mer, remontent de plus en plus au Nord. Certaines espèces d’oiseaux font de même, tandis que des plantes montent en altitude. A quand, un conifère en approche du Mont Blanc ? Plaisanterie mise à part, ce serait dramatique. Il n’empêche, un sapin au-delà de la ligne des 2000 m, cela n’a rien à voir avec un poisson d’avril. Les poissons, justement, devant le réchauffement océanique, ils ne vont pas rester là où ils ne se plaisent pas. Si leurs habitudes de vie se situent dans des eaux avoisinant les 15°, vous ne croyez tout de même pas que, si ces eaux passent à 18°, ils vont attendre là, sans rien faire. Non, ils vont aller chercher des températures idéales pour eux, à 15°. Et où les trouveront-ils ? Plus au Nord. Les oiseaux, comme les papillons d’ailleurs, ont engagé le même processus, mais avec des distances moindres, le plus souvent, puisque les températures sur terre, ne connaissent pas une évolution identique aux océans. Saviez-vous, par exemple que 250 kms représentent l’équivalent d’un degré supplémentaire entre deux points Nord/Sud. Aujourd’hui, Grenoble, en termes de température, c’est Marseille en 1990 ! Certaines espèces d’oiseaux sont remontées sur des distances raisonnables de l’ordre d’une petite quarantaine de kilomètres, mais on voit qu’à terme c’est tout un écosystème qui est, peut-être pas encore bouleversé, mais en tout cas bousculé. On retrouve actuellement des catégories de poissons qui sont passées vivre de la Mer Rouge en Méditerranée, pendant que d’autres passaient des mers chaudes aux îles anglo-saxonnes. Quant à nos poissons de rivière, ils visent plutôt l’altitude. On sait maintenant, qu’en France, 32 espèces étudiées sont remontées en moyenne de 13, 70 m sur une décade.
Le résultat de tout cela, c’est que nos écosystèmes, on l’a vu, se transforment, ce qui se traduit par un déséquilibre non seulement, naturel, mais aussi, économique et social. Sans parler des agissements de l’homme à certains endroits qui chahutent complètement l’ordre si longtemps parfaitement établi. Et puis, le fameux réchauffement climatique fait bien parler de lui. Moyenne d’augmentation mondiale des températures : + 0,74°C en 100 ans. Ce qui s’exprime par une remontée vers le Nord, des climats du Sud. Ce qui signifie, rien que pour la France, des étés plus secs avec une pluviométrie en retrait (de l’ordre de – 5 à – 15%), + de canicule, des déficits en eau, des hivers plus doux, d’un côté heureusement plus humides (+ 1 à 5%), mais malheureusement avec des épisodes pluvieux puissants, amenant des crues, ce qui implique à repenser une bonne partie de l’aménagement du territoire, et ceci, dans les vingt ou trente années à venir. Le Sud s’installe au Nord ! Les paysages sont en passe de se transformer, les populations évolueront géographiquement, les besoins se déplaceront, les économies locales, pour certaines, changeant de profil.
Nous sommes le nez dans le guidon, ayant à faire face à aujourd’hui. Et si cette Société voulait bien lever le pied. Si elle voulait bien regarder les poissons et les oiseaux passer. Peut-être s’apercevrait-elle qu’il est temps de penser à ne pas perdre le nord.
Bernard Sautet
avril 2014